Section 7.4 Metamorphoseon Iterum

Euler nous donne donc une méthode de sommation raisonnable de plus, qui permet de sommer certaines séries divergentes, notamment alternées, comme \((-2)^n\text{,}\) mais pas toutes: par exemple, \(\sum (-3)^n\) ne Euler-converge pas.
Une piste d'amélioration, qui ne surprendra pas les amateurs de sommation à la Hölder-Cesàro, serait de prendre la transformée d'Euler, et de lui ré-appliquer une couche de transformation d'Euler.
Exercice 7.4.1. Métamorphoses successives des séries géométriques.
Rappelons qu'on a obtenu à l'Exercice 7.3.1 que la transformée d'Euler de la suite \((a_n=(-3)^n)_n\) est
donc la série \(\sum a_n^{(1)}\) ne tradiconverge pas, autrement dit \(\sum a_n\) n'est pas \((\mathcal E,1)\)-convergente.
On a aussi vu que, du coup, la Relation Pratique (7.3.1) nous donne une série divergente.
(a)
On note \((a_n^{(2)})_n\) la transformée d'Euler de la suite \((a_n^{(1)})_n\text{:}\)
Calculer \(a_n^{(2)}\text{,}\)toujours pour \((a_n=(-3)^n)_n\text{.}\) La série \(\sum a_n^{(2)}\) est-elle tradiconvergente ?
(b)
D'un autre côté, en s'inspirant de la Relation pratique, posons \(S_n^{(1)}= \sum_{k=0}^{n-1} a_n^{(1)}\) et
Est-ce que \(\sigma_n^{(2)}\) a une limite quand \(n\rightarrow\infty\) ?
Est-ce que c'est la même que celle de \(S_n^{(2)}=\sum_{k=0}^{n-1} a_n^{(2)}\) obtenue à la question précédente ?
(c)
On pose, pour tout entier \(n\text{,}\) \(b_n=(-4)^n\text{.}\)
Calculer sa transformée d'Euler \(b_n^{(1)}\) et la transformée d'Euler de sa transformée d'Euler \(b_n^{(2)}\text{.}\)
De là, calculer \(\displaystyle S_n^{(1)}=\sum_{k=0}^{n-1}b_n^{(1)}\) et \(\displaystyle S_n^{(2)}=\sum_{k=0}^{n-1}b_n^{(2)}\text{.}\)
Est-ce que les séries \(\sum b_n^{(1)}\) et \(\sum b_n^{(2)}\) tradiconvergent ?
(d)
Notons \(S_n=\sum_{k=0}^{n-1}b_k\) les sommes partielles de la série \(\sum b_n\text{.}\) Calculer
et vérifier que \(\sigma_n^{(1)}= S_n^{(1)}\) et \(\sigma_n^{(2)} = S_n^{(2)}\text{.}\)
(e)
Mêmes questions pour \(c_n=(-13)^n.\)
Ensuite, deviner qui sont \(c_n^{(3)}, S_n^{(3)}\) et \(\sigma_n^{(3)}\text{,}\) les calculer, et déterminer si ça donne une série convergente.
Il semble donc que, plus on eulérise, plus ça converge. Ce qui nous amène à formaliser ces eulérisations successives.
Soit \((a_n)_n\) une suite réelle. On définit par récurrence, pour tout \(n\in\N\text{,}\)
D'un autre côté, on a vu, par la Relation Pratique (7.3.1), que la transformation d'Euler consiste en fait à transformer la suite \((S_n)_n\text{,}\) a priori non convergente, en une nouvelle suite
et rien n'empêche de faire ça plusieurs fois: on peut poser, par récurrence,
Il serait terriblement regrettable que ces deux façons naturelles d'itérer Euler ne donnent pas la même chose.
Exercice 7.4.2. Parade aux terribles regrets, \(q=2\).
Vérifions que ces deux façons d'itérer Euler sont en fait les mêmes.
Pour ça, on va commencer par obtenir des Relations Pratiques, qui nous donnent des chemins directs vers nos itérations.
(a)
Soit \((a_n)_n\) une suite de réels.
Montrer que
(b)
En déduire que
(c)
En reprenant ces calculs, se convaincre que, de la même façon
(d)
On va montrer, par récurrence, que pour tout \(n\in\N^*\text{,}\) \(S_n^{(2)}=\sigma_n^{(2)}\text{.}\)
Vérifier que tout va bien pour \(\boxed{n=1}\text{.}\)
(e)
\(\boxed{n\leadsto n+1}\) Supposons que \(S_n^{(2)}=\sigma_n^{(2)}\) et montrons que \(S_{n+1}^{(2)}=\sigma_{n+1}^{(2)}\text{.}\)
A l'aide des expressions qu'on vient d'obtenir pour \(\sigma_n^{(2)}\) et \(a_n^{(2)}\text{,}\) montrer que
(f)
Conclure la récurrence.
Le cas précédent permet de se faire une idée de la situation, mais pour les plus motivés, passons au cas général. Les étapes vont beaucoup se ressembler !
Exercice 7.4.3. Parade aux terribles regrets, \(q\) quelconque.
(a)
Soit \((a_n)_n\) une suite de réels.
En s'inspirant de l'exercice précédent, montrer par récurrence sur \(q\) que
(b)
En reprenant ces calculs, se convaincre que, de la même façon
(c)
Montrer, par récurrence, que pour tout \(n\in\N\text{,}\) \(S_n^{(q)}=\sigma_n^{(q)}\text{.}\)
En utilisant les relations pratiques (7.4.3) et (7.4.4), montrer dans un premier temps que
puis décaler les indices dans la deuxième somme en posant \(k=j+1\text{.}\)




Une fois rassurés, on peut donc poser
Définition 7.4.1.
Soit \((a_n)_n\) une suite réelle. On définit par récurrence, pour tout \(n\in\N\text{,}\) \(a_n^{(0)} = a_n\) et pour tout \(q\in\N^*\text{,}\)
Si la série \(\sum a_n^{(q)}\) tradi-converge vers un réel \(S\text{,}\) autrement dit, si
on dit que la série \(\sum a_n\) est \((\mathcal E,q)\)-convergente, et on note
A l'Exercice 7.4.1, on a eu l'impression que, pour peu qu'on itère suffisamment, on va parvenir à faire converger des séries géométriques, même très divergentes.
Exercice 7.4.4. Eulérisation géométrique persistente.
(a)
Considérons une série géométrique générique \(u_n=r^n\text{,}\) avec \(r\) un réel quelconque.
Pour tout entier \(q\in \N\text{,}\) on note \(u_n^{(q)}\) la suite qu'on obtient en appliquant \(q\) couches de transformée d'Euler à \(u_n\text{.}\)
Calculer \(u_n^{(q)}\) et déterminer, pour chaque \(q\in \N\text{,}\) quelles suites géométriques donnent une série \((\mathcal E, q)\)-convergente.
(b)
Soit \(r\leq 0\) un réel négatif, n'importe lequel.
Montrer qu'il existe un entier \(q\in\N\) tel que, si on itère \(q\) fois la méthode de sommation d'Euler, alors la série \(\sum r^n\) finit par \((\mathcal E,q)\)-converger.
(c)
Déterminer combien de fois il faut itérer la méthode d'Euler pour faire converger \(\sum_n (-\pi^a)^{n}\text{,}\) où \(a\) est votre âge (ou celui du capitaine).

La sommation d'Euler itérée est-elle encore raisonnable ?
Exercice 7.4.5. \(q\)-Euler et la DDS.
(a)
Vérifier que la sommation \((\mathcal E,q)\) vérifie les deux propriétés de linéarité.
(b)
Montrer que, si \(\sum a_n\) est une somme \((\mathcal E,q)\)-convergente, alors elle est aussi \((\mathcal E,q+1)\) convergente.
En déduire que la sommation \((\mathcal E,q)\) est régulière.
Remarque 7.4.2.
On confirme dans la foulée que, comme on le suspectait, les méthodes de \(q\)-transformation d'Euler sont de plus en plus puissantes quand on augmente \(q\text{.}\)
(c)
Reste à vérifier que \((\mathcal E,q)\) est stable. Prenons donc, comme on l'avait fait pour \((\mathcal E,1)\text{,}\) une suite \((a_n)_n\) et notons \(b_n=a_{n+1}\text{.}\) On veut s'assurer que
et pour ça, on va noter
et le but du jeu est donc de montrer que
Ca va beaucoup ressembler à la preuve de la stabilité de \((\mathcal E,1).\) Commencer par vérifier que
(d)
Justifier que, si \(A_n^{(q)}\xrightarrow[n\rightarrow\infty]{}A\text{,}\) alors \(a_n^{(q)}\xrightarrow[n\rightarrow\infty]{} 0\text{.}\)
\(\boxed{\Rightarrow}\) En déduire que, si \(A_n^{(q)}\xrightarrow[n\rightarrow\infty]{}A\text{,}\) alors \(B_n^{(q)}\xrightarrow[n\rightarrow\infty]{}A-a_0\text{.}\)
(e)
Reste à vérifier que ça marche dans l'autre sens: on veut donc montrer que
\(\boxed{\Leftarrow}\) Si \(B_n^{(1)}\xrightarrow[n\rightarrow\infty]{}A-a_0\) alors \(A_n^{(1)}\xrightarrow[n\rightarrow\infty]{}A\text{.}\)
En reprenant le calcul de \(B_n^{(q)}-A_n^{(q)}\text{,}\) montrer que
(f)
En déduire que
et donc que
(g)
Conclure à grands coups de Lemme 7.3.4.