Section 1.3 Ok, mais dans ce cas...
Exercice ...pourquoi forcément faire comme ça ?
1.
En groupant les termes par 3, "montrer" que
\begin{equation*}
S-1=9S
\end{equation*}
En déduire que \(S=-\displaystyle\frac{1}8\) 1 .
Et si on groupe les impairs ?.
2.
Plus on est de fous plus on rit, donc introduisons une somme de plus:
\begin{equation*}
Q=1+3+5+7+9+...=\sum_{k=0}^{+\infty}(2k+1)
\end{equation*}
"Montrer" que
\begin{equation}
2Q=1+4S\tag{1.3.1}
\end{equation}
3.
En mettant les pairs d'un côté et les impairs de l'autre, "montrer", d'un autre côté, que
\begin{equation}
S=2S+Q\tag{1.3.2}
\end{equation}
4.
En déduire que \(S=-\displaystyle\frac16\) 2 .
Et si on regroupe les multiples de 3 ?.
5.
En séparant les termes de type \(3p,3p+1,3p+2\text{,}\) montrer que
\begin{equation}
S=3S+3Q\tag{1.3.3}
\end{equation}
6.
En déduire que \(S=-\displaystyle\frac3{16}\) 3 .
Ou de 4 ?.
7.
En séparant les termes de type \(4p,4p+1,4p+2,4p+3\text{,}\) montrer que
\begin{equation}
S=4S+6Q\tag{1.3.4}
\end{equation}
8.
En déduire que \(S=-\displaystyle\frac15\) 4 .
Ou de...\(n\) ?.
9.
N'ayons pas peur de la généralité. Soit \(n\in\N^*\text{.}\)
En séparant les termes de type \(np,np+1,np+2,...,np+n-1\text{,}\) montrer que
\begin{equation}
S=nS+\frac{n(n-1)}{2}Q\tag{1.3.5}
\end{equation}
10.
En déduire que \(S=-\displaystyle\frac{n}{4(n+1)}\text{.}\) Quel que soit \(n\geq1\text{.}\)
Mais ce n'est pas tout !.
11.
Après tout, on peut aussi jouer avec (1.3.1) .
En groupant les termes 2 par 2, montrer que
\begin{equation*}
Q=1+8S
\end{equation*}
12.
En déduire que \(S=-\displaystyle\frac{1}{9}\text{.}\)
OK, OK, stop !
Jusqu'ici, on a trouvé que
\begin{equation*}
-\displaystyle\frac{1}{12}=-\displaystyle\frac{1}{8}=-\displaystyle\frac{1}{6}=-\displaystyle\frac{3}{16}=-\displaystyle\frac{1}{5}=-\displaystyle\frac{1}{9}
\end{equation*}
Ce qui, vous en conviendrez, est un problème.
Les séries divergentes sont en général quelque chose de bien fatal, et c'est une honte qu'on ose y fonder aucune démonstration.
―Niels Abel (1826)
Question: Que vaut la somme infinie \(1+2+3+4+...\) ?
Réponse de Ramanujan: \(-\displaystyle\frac{1}{12}\text{.}\)
Figure 1.3.1. Srinivasa Ramanujan (1887 – 1920) 5 , Public domain, via Wikimedia Commons Srinivasa Ramanujan Aiyangar 6 est ce que les mathématiques ont de plus proche d'une rock star.
Né dans une famille modeste de la région de Madras, Ramanujan développa très tôt son don des mathématiques. À 15 ans, l'équivalent du bac en poche, Ramanujan emprunte à la bibliothèque du Government College le Synopsis of Pure Mathematics , un pavé contenant plusieurs milliers de résultats d'analyse et de géométrie, quasiment sans preuve. Son futur impresario mathématique, Hardy, attribue à ce livre le style, disons, plus rapide que rigoureux de Ramanujan. Il apprend les maths en tête à tête avec ce livre: trop pauvre pour acheter les kilos de papiers nécessaires aux mathématiciens du commun, il travaille de tête ou sur une ardoise et ne note que ses conclusions dans ses carnets, dans un système de notations qu'il a inventé.
C'est une habitude qu'il a gardé toute sa vie. A sa mort, à 32 ans, il laisse en tout et pour tout 3 cahiers (plus un tas de feuilles redécouvert en 1976, appelé le cahier perdu de Ramanujan), pour un total de 700 pages contenant plusieurs milliers de résultats, dont l'analyse complète a pris tout le XXème siècle. Ils sont désormais tous démontrés, quasiment tous se sont avérés vrais et les deux tiers sont originaux.
En 1912, il envoie son premier article à un éminent mathématicien anglais, Hardy, qui, soufflé, commente à propos de ces innombrables formules "Elles devaient être vraies car si elles ne l'étaient pas, personne au monde n'aurait eu assez d'imagination pour les inventer." C'est le début d'une fructueuse collaboration, et de la renommée mathématique de Ramanujan, qui sera interrompue par sa mort en 1920.
Et je ne résiste pas à vous raconter le coup du taxi.
Je me souviens que j'allais le voir une fois, alors qu'il était malade, à Putney. J'avais pris un taxi portant le numéro 1729 et je remarquai que ce nombre me semblait peu intéressant, ajoutant que j'espérais que ce ne fût pas mauvais signe.
- Non, me répondit-il, c'est un nombre très intéressant : c'est le plus petit nombre décomposable en somme de deux cubes de deux manières différentes.
Il donnait l'impression que chaque entier naturel était un de ses amis personnels.
―G. H. Hardy
En fait, la question n'est plus tellement "Pourquoi \(-\frac1{12}\text{?}\) " , mais "Pourquoi \(-\frac1{12}\) plutôt que n'importe quoi d'autre?"
Si Ramanujan pense que \(-\displaystyle\frac1{12}\text{,}\) et pas \(-\displaystyle\frac{3}{16}\text{,}\) c'est une bonne raison de penser que \(-\displaystyle\frac1{12}\) est, en un certain sens, une "meilleure" réponse que \(-\displaystyle\frac{3}{16}\text{.}\) Mais en quel sens ?
Clairement, la théorie habituelle et planplan des séries ne répond pas à la question, mais la méthode qui consiste à traiter allègrement les sommes infinies comme si elles étiaent finies non plus (malgré sa popularité sur YouTube 11 , où on trouve aussi des choses plus propres 12 ).
Une façon de répondre vient, étonnamment, de la physique. Moi, je ne suis pas qualifiée, mais l'excellent M. Louapre explique ça très bien:
Une autre façon de répondre consiste à élargir notre théorie des sommes infinies au-delà de la simple limite des sommes partielles, mais sans faire complètement n'importe quoi.
Il est pas mal celui là, remarquez...
commons.wikimedia.org/wiki/File:Ramanujan_Notebook_1_Chapter_8_on_1234_series.jpg
opc.mfo.de/detail?photoID=2328
commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=111802441
en.wikipedia.org/wiki/Srinavasa_Ramanujan
commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=67637326
www.youtube.com/watch?v=w-I6XTVZXww